Par delà la gare et les rues d'Artère, une brise chaude venait s'engouffrer entre les pontons flottants du port de plaisance. Le soleil descendait au loin apportant des lumières orange presque rouge entre deux immenses nuages noirs. La chaleur de la journée avait été suffocante. Encore une fois, encore une journée de plus à attendre que le soleil se couche pour pouvoir un peu mieux respirer.
- Regardez comment ces mouettes beuglantes nous usent les tympans.
Jala, une tigresse au pelage sombre faisait les cent pas en appuyant plus fort à chaque foulée sur l'un des pontons pour faire tanguer le petit groupe de fauve. Les moustaches pointées vers le coucher de soleil, le jeune groupe de félins s'étaient emparés de la zone depuis leur plus dure jeunesse. Kaïto en faisait partit, et ce depuis le commencement, couché sur des digues de pierres surélever, il ne souhaitait en rien subir les remous causés par Jala.
- Oui, bah ces mouettes comme tu dis, j'aimerai bien m'en taper une ou deux sous le gosier si tu vois ce que je veux dire... déclara un tigre maigre et bourré de cicatrice se nomment Githo.
La troupe de jeune félin s'était amoindri depuis le terrible séisme et malgré l'accident ce jour là, jamais les tigres n'avaient voulut changer de spot. Et pourtant, alors que ses amis commençaient à se faire des réflexions débiles, Kaïto portait son regard vers un éboulis d'un bâtiment plus loin. Les clapotis de l'eau autour d'eux se firent plus silencieux alors que des souvenirs fracassants et des rugissements résonnaient dans le crâne de Kaïto.
- Kaïto... Kaïto !
Clignant des yeux, le félin tourna sa large tête vers Ismala, une féline blanche au fine courbe.
- On devrait trouver quelques choses à se mettre sous la dent, sinon les autres vont se mordre les oreilles.
En effet, Githo et Jala commençait tout deux à gonfler leur poil. Leur vaine dispute fut pourtant balayé par l'arrivé de Talok.
- Au lieu de beugler comme de vulgaire bestiaux, écoutez-moi. J'ai vu du mouvement sur l'un des bateaux humains échoués plus loin.
Le silence quant à l'arrivé de Talok arrivé plus souvent qu'on ne le pensait. Bien que personne ne le disait haut et fort, depuis que quelques félins avaient rejoins leur bande depuis le séisme, le puissant Talok avait su prendre une place conséquente malgré sa présence nouvelle. Et si certains faisaient semblant de l'ignorer, Kaïto savait. Ne disait rien pour l'heure mais observait tout en silence.
- C'est sûrement les vieux qui font une exploration encore déclara Jala en haussant les yeux au ciel.
Talok plissa les yeux et un grondement sévère franchit sa gueule avant qu'il ne saute sur le ponton pour gonfler le poitrail devant la tigresse.
- Crois-tu que je ne sais pas différencier un des nôtres d'un autre tigre ? Le crois-tu vraiment ?
Aux oreilles plaquées de Jala, Kaïto pu ressentir d'ici la vague malsaine qui se posa sur le groupe. C'est à ce moment que le grand félin décida de se lever pour pointer son regard vers la carcasse flottante concernée.
- Allons-y et essayons par la même occasion de chasser quelque chose déclara t'il avant de descendre de la digue sous le regard mauvais de Talok.
En peine elle avance. La peur lui tient le ventre depuis trop longtemps. La chagrin lui enchaîne le crâne depuis une éternité. Elle avance parce qu'elle a eut bon d'écouter un vieux tigre dans le lointain ? Elle a faim. Elle a soif. Et elle est sur un territoire qui l'effraie tout autant qu'il lui est nostalgique. Pourquoi est-elle revenue ? Pourquoi a t'elle prit cette stupide décision ? Le territoire Valken est l'un des plus dangereux du territoire, elle le sait pourtant. Mais les paroles du vieux et les méandres d'une paix possible n'ont pas de prix. Alors voilà pourquoi Yulia est rentrée dans Artère en passant d'un côté peu retenue par les Valkens. Dans ses souvenirs, les bateaux de fer possédaient des ressources qui pourraient à la fois l'abriter et la nourrir. Ainsi, elle passerait enfin peut-être une nuit tranquille ? Depuis si longtemps... Encore fallait-il que personne ne l'ai vu.
Goldonar
Invité
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Mar 28 Juin - 21:47
À quand la vérité ?
Si Talok avait des ambitions noires pour ce petit groupe, il n'en oubliait pas moins qui l'avait fondé, ou plutôt qui en faisait partie à son aube, c'est pourquoi, aucun son ne sortit de sa gueule lorsque Kaïto prit les devants face à la situation qui se dégradait. Levant le nez en tournant le dos au coucher de soleil, le tigre fut suivit par son amie Ismala puis par Talok et le reste du groupe. Jala n'eut pas assez de se faire rouspéter par Talok et c'était peut-être mieux ainsi pensa Kaïto. La féline était sanguine, pas inconsciente mais plutôt joueuse et mesquine, accélérant le pas, Jala dépassa bientôt l'entièreté du groupe en chatouillant de sa queue le museau de Kaïto à son passage. Le mâle ne bromcha pas d'un poil, l'ignora tout bonnement car il savait l'être instable qu'elle était.
- Selon toi, quest-ce que cela pouvait être ? demanda t'il enfin à Talok alors que le groupe quittait le port de plaisance pour escalader des éboulis menant au grand port.
Le tigre sombre fit rouler ses muscles en accélérant ses foulées pour venir marcher à ses côtés.
- Il n'est pas censé avoir de patrouille dans le coin ce soir, et mes yeux ne se sont pas trompés, c'était bien un tigre. Un tigre blanc même.
Tournant son regard vers celui de Talok, Kaïto plissa les yeux et son coeur s'accéléra légèrement en imaginant la présence d'un sale Répudié sur leur territoire. Ou bien pire encore. Avec tout les derniers évènements, les disparitions ainsi que la peur générale et les questions sans réponses, on pouvait s'attendre à tout dans Artère. Et aucun Valken ne voulait se voir sa tribu plus pertubée.
- Je me demande que ferai un répudié à trainer sur un bateau. À moins qu'il ne veuille mourir.
- Moi non plus Kaïto, mais ce que je sais c'est qu'il va vite retourner de là ou il est venu.
- Attendons de voir ce qu'il se passe.
La douce voix d'Ismala fendit l'air encore chaud faisant taire la discussion des deux félins.
- Nous y sommes.
L'épave était immense. L'eau de la jetée s'était reculée de plusieurs mètres laissant la poupe reposer sur de la vase sèche. La rouille avait déjà commençait à attaquer la coque et la peinture s'écaillait de toute part.
- Allons-y gronda Talok en avançant le premier sur le pont bancale.
Le métal abîmé crissait sous les pattes des félins. Kaïto restait prudent, il ne voulait clairement pas se retrouver à tomber une dizaine de mètres plus bas, car tous le savait ici, et même les chamans ni pouvaient rien, une patte cassée sur Hostile était égale à une mort lente et douloureuse. Il y avait déjà bien assez de survivre en étant entier, les Valkens auraient plus de mal à subvenir toute une vie au besoin d'un infirme.
Le pont sembla écouter les craintes de Kaïto et décida de ne pas jouer avec son coeur. Résistant au passage de tout le groupe, les félins se retrouvèrent enfin sur le pont principal de l'épave. Des excursions avaient déjà été réalisés sans doute partout dans Artère et Kaïto doutait de trouver quelque chose à se mettre sous la dent ici.
- Sa empeste la femelle rugit Githo la langue de sortie.
- Tais-toi sombre crétin pesta Ismala le poil hérissé.
Kaïto avait également perçut l'odeur d'une étrangère. Il n'y avait plus qu'à la trouver maintenant.
- Séparons-nous. Deux par deux, nous couvrirons plus de distances rapidement. Chacun à son poste les amis et...
- Que la chasse commence termina Talok le regard carnassier.
Le soleil disparaissait maintenant sous l'horizon marin. Yulia regarda une dernière fois la mer en sentant une pointe lui lanciner le coeur. Elle n'arrivait pas à croire tout ce qui c'était passé depuis sa fuite. Fuite... Pouvait elle appeler cela ainsi ? Lâchant un espèce de sourire voulant ressembler à un ricanement, Yulia s'enfonça dans le monstre de fer ou plutôt de rouille en priant le ciel qu'elle puisse trouver répit une nuit.
Pourquoi était elle revenue ? Les Valkens ne voudraient plus d'une paria comme elle. Une Répudié. Comme ceux qu'elle détestait autrefois.
Pénétrant dans une cabine poussiéreuse, la féline ne trouva pas ce qu'elle espérait le plus, de la nourriture. En revanche, ses pattes meurtries l'a remercièrent lorsque des coussins rongés par les mites s'offrirent à elle. Se couchant en poussant un soupir, Yulia prit une ou deux minutes à se lécher les pattes avant en remarquant bien comme elle avait maigrit. Et alors qu'elle fermait les yeux en se revoyant plus jeune découvrir Artère avec ses parents puis ses amis, une odeur lui fit soudainement dresser le poil. Se relevant d'un bon, les pupilles de la tigresse s'étrécirent pour ne devenir que deux fentes alors que ses oreilles se rabattaient en arrière. Son cœur s'emballant, une odeur de tigre mâle flotta jusqu'à elle. C'était terminé. Le comble pour une... tigresse comme elle.
Se maudissant un moment encore, Yulia se tapit dans un angle en sachant d'avance qu'elle n'avait aucune chance. Des voix s'élevèrent à l'extérieur de la cabine. Décourageant Yulia, comprenant que l'intrus n'était pas seul, la tigresse décida de sortir de sa torpeur pour fuir. Surgissant de la cabine pile au moment ou deux tigres passaient, Yulia bouscula le premier avant de mettre un coup de patte sur le second en poussant un râle de peur avant de déguerpir.
Fermant les yeux pendant sa course, ignorant les paroles de rage derrière elle, Yulia fila sur le pont extérieur. Dans sa course, la femelle s'osa un regard léger en arrière. Fatale lorsqu'une masse l'écrasa. S'écroulant au sol en feulant rageusement, sa peur l'enveloppa dans un tourbillon noir et par reflexe, Yulia ferma les yeux. Un seul geste, une seule petite chose dans ce tourbillon noir, et Yulia disparut à la vue de tous.
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